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Mourir

... mourir sans littérature

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Dans le cadre de l'opération Masse Critique, une initiative du site de mise en connexion des bibliothèques de lecteurs Babelio (un livre en échange d'une critique), j'ai reçu Quand vous lirez ce livre..., le premier roman de Sally Nicholls, édité par Pocket Jeunesse.

Je dois reconnaître que je n'étais peut-être pas le bon destinataire pour apprécier ce livre qui est certainement plus intéressant si on a entre 8 et 11 ans qu'au-delà (l'âge du personnage principal, Sam), mais promis, je le ferais tout de même passer à qui de droit qui devrait mieux l'apprécier que moi.

Pourtant, comme le dit très bien Points d'Actu, le site de recommandation de lectures de la Bibliothèque Municipale de Lyon, le livre mérite d'être signalé. Signalé parce que les romans jeunesse qui traitent de la mort et plus encore de la mort de l'enfant lui-même (Sam, le héros du livre est leucémique et dès les premières pages ont comprend qu'il n'y aura aucune rémission) sont extrêmement rares. Les livres pour enfants sans happy end, qui traitent de sujets difficiles sont devenus rares ou sont plutôt des documentaires que des romans.

Ici, le jeune Sam raconte son quotidien, sa maladie avec ces soins médicaux qui prennent tout l'espace, cette fatigue constante qui l'épuise. Le livre se veut un peu son journal, un espace pour garder trace, pour écrire ce qui ne se dit pas, pour dire ses émotions, ses peurs, ses questions, ses derniers rêves. Pour raconter la mort de son ami, malade comme lui également (certainement le meilleur moment du livre, qui nous confronte le mieux à la mort).

Avec un style très simple, Sally Nicholls décrit d'une manière assez pudique le quotidien de la maladie de cette famille frappée par l'inéluctable. Elle rend les silences, les gestes, les larmes que les mots ne peuvent pas remplacer. Elle décrit, pour éviter de penser. Elle liste les questions auxquelles personne ne répond pour éviter d'y répondre à son tour. 

Au final pourtant, le livre n'évite pas deux écueils. Dans cette succession de petites scènes du quotidien, rien n'apparaît avec relief une fois qu'on l'a refermé. A force de trop souvent éviter l'émotion, d'éviter les confrontations entre ses personnages, à force de ne pas aller jusqu'au bout des doutes, Sally Nicholls semble ne pas aller jusqu'au bout de son livre. Elle reste pudique à l'image de nous-mêmes et de nos sociétés face à la mort. C'est peut-être réaliste, mais on aurait aimé qu'à un moment la carapace que chacun revêt se brise.

Mais le plus gros regret est de constater que si ce livre est un livre, il n'est pas de la littérature. Il manque à Sally Nicholls un style, une amplitude pour raconter cette histoire. Si le jeu à la première personne fait penser au Goscinny du Petit Nicolas, il n'en a ni l'humour, ni la force évocatrice. Sam paraît bien grand finalement. On comprend que l'approche de la mort le transforme profondément, dommage tout de même qu'il ne lui reste pas grand chose de l'enfance.

Enfin, mais c'est là encore réflexion d'adulte. C'est un livre qui vous prend un peu en otage. On est plongé dans une histoire qui a toutes les apparences de la réalité, alors qu'elle n'est un roman. On s'attache à un personnage emblématique mais qui n'existe finalement pas et on se sent un peu floué de l'émotion que l'on ressent. 

Je suis persuadé que des lecteurs plus jeunes ne verront pas tout cela et qu'ils prendront plaisir à ce livre qui parle d'un sujet dont on ne parle pas assez et qui est pourtant capital pour vivre. 

Bon, ça se lit tout de même facilement. Le sujet est intéressant par les questions qu'il évoque et le fait qu'il refuse le Happy End, mais le livre ne va pas au bout et manque d'une force qui surpasse l'histoire. Vous me direz, aujourd'hui, c'est beaucoup en demander, mais c'est encore ce qui sépare un bon livre d'un grand livre. Dommage.   

Pour commander ce livre :
 Quand vous lirez ce livre..., Sally Nicholls, Pocket Jeunesse, 2008, 15 euros, 272 pages. Amazon.fr.


PS : Voir la critique de Lael ou de Bouqu'in, qui semblent toutes préférer, sur le même thème, Je veux vivre de Jenny Downham.

De l'art, de l'art

Palette d'oeuvres

Palettes, voilà un nom qui m'évoque une formidable émission de télévision, largement disponible en DVD, qui analyse dans le détail les plus grandes oeuvres d'arts. Palette (sans s), est également le nom d'une formidable maison d'édition jeunesse qui elle aussi s'intéresse essentiellement à l'art en proposant une multitude de collections pour tous les âges dédiés à des tableaux, des artistes ou des courants artistiques.

Dans ce sublime ensemble, j'attire votre attention sur la collection l'Art et la manière, la plus intéressante du catalogue me semble-t-il (peut-être parce qu'elle s'adresse également aux plus grands ?). Chacun de ses ouvrages présente un artiste ou un courant artistique à travers plusieurs de ses oeuvres. Les images pleines pages de ces livres grands formats permettent d'apprécier l'oeuvre. Le commentaire lui, nous fait entrer dans le tableau, suggérant aux plus jeunes de regarder des détails pour mieux en comprendre le sens. Des 33 titres que compte déjà la collection, tous ne sont pas aussi réussis (certains préfèrent évoquer des généralités que d'entrer vraiment dans un tableau), mais dans l'ensemble, la collection est un vrai plaisir. De ceux que j'ai parcouru, je vous conseille le Picasso, le Vermer, le Magritte et ait été un peu déçu par le Vinci.

Signalons également les deux superbes premiers numéros de la vie en image, une collection en très grand format dédiée à la photo, absolument éblouissante (sauf dans la mise en page qui met les explications d'une oeuvre derrière celle-ci - mais les ouvrages sur la photo pour les enfants sont tellement rares que nous ne bouderons pas notre plaisir pour si peu). Ou encore ce superbe Sculptures ou créatures, qui nous plonge dans l'univers de la sculpture souvent délaissé des ouvrages d'art jeunesse.

Bref, précipitez vous sur cette superbe collection et ce magnifique éditeur.

Grandir

Petit à petit

Pas facile de grandir. Pas facile d'être le troisième, le plus petit. On se fatigue avant les autres. On est le petit dernier. On est celui qui appelle encore sa maman. Et en même temps, parce qu'on est le petit dernier, on a une imagination débordante. D'un mot, on se laisse convaincre. D'un mot, on devient plus grand que ses grands frères.

Voilà le prétexte de cette très simple - et donc sublime - petite fable pour les plus petits. Qui, à tout petits pas, montre comment on peut avancer dans la vie, avec patience et ténacité.

Les formes épures du dessin, ce crayonné tendre réhaussé de couleurs monochrome, chaudes, variant du jaune à l'orange, ces canetons esquissés d'un trait, font fusionner la forme et le fond d'une manière tout simplement formidable.

On avait déjà adoré Bébé Génie
. Décidemment, Simon James est un génie !

Pour commander ce livre :
- A tout petits pas, Simon James, Gautier-Languereau, 2004, 26 pages, ISBN : . Format poche, 5,20 euros ; Grand format, 11,50 euros.

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Mais où ai-je donc la tête ?

Pour les papas

On ne présente plus Quentin Blake, certainement l'un des plus grands illustrateurs pour enfants. Ses dessins à l'encre, réhaussés à l'aquarelle, de grands personnages filiformes feraient penser à un Reiser qui serait resté accessible aux plus petits - la vulgarité en moins pourrait-on dire, même si la vulgarité de Reiser est un plaisir en soit. Quentin Blake n'est pas vulgaire, mais, comme Reiser, il glisse son humour dans les expressions de ses personnages, croqués sur le vif.

De Quentin Blake on peut retenir de nombreux titres parmis les quelques 200 auxquel il a contribué, comme ses illustrations pour l'oeuvre de Roald Dahl notamment. Chaque titre est souvent une réussite en soit : que ce soit le formidable Zagazou, Wizzil, Les cacatoès... Pour ne citer que quelques-uns des plus réussis. Quentin Blake est une valeur sûre. Mais on le sait, les valeurs sûres s'endorment souvent sur leurs lauriers.

Et bien pas Quentin. Son dernier opus, La Tête ailleurs, est un album jubilatoire sur ces papas qui, à force d'avoir la tête ailleurs, la perdent. L'histoire, signée André Bouchard, est tout simplement excellente, truculente du début à la fin, sur cette parabole autour des papas qui font trop souvent semblant d'être là. 

- "Attends, laisse moi tranquille, là, je suis à mon ordinateur."

Pour commander ce livre :
- La tête ailleurs, Quentin Blake, André Bouchard, éditions Circonflexe, 2008, 28 pages, ISBN : 978-2878334555, 13,50 euros. Amazon.fr.

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3 petits cochons

"Ouvre cette porte immédiatement, sinon je souffle, je crache et je pète dedans !"

Comme une petite poignée de contes sureprésentés, les éditions des 3 petits cochons sont innombrables - sans compter les tout aussi innombrables détournements (comme les Trois petits loups et le grand méchant cochon ou Les Trois petites cochones...). Pas facile pourtant de reconnaître le bon grain de l'ivraie dans cette profusion. Sans compter que cette histoire populaire dont les premières traces remontent au XVIIIe siècle reste très classique et morale dans la forme : l'histoire valorise le courage et les responsabilités sur l'insouciance et la paresse et joue sur l'image classique des peurs enfantines représentées par le Grand méchant loup. Pour autant, ne boudons pas notre plaisir : surtout pour les enfants chez qui la répétition est source d'amusement - et aussi de compréhension.

Les Trois Petits Pourceaux de Coline Promeyrat et Joëlle Jolivet publié chez Didier Jeunesse s'inspire d'une version populaire bretonne qui traite le loup avec un peu plus d'humour que d'autres versions. Le texte est drôle et rythmé, à la manière d'une comptine, et les gravures de Joëlle Jolivet permettent de jolis contrastes de tons, faisant ressortir la douceur de l'univers des cochons opposé à la noirceur et à la férocité du loup.

Un grand classique c'est vrai, qui quand il est bien interprété, marche toujours aussi bien. Et l'interprétation, dans les contes classiques, c'est ce qu'il y a de plus important, non ?

Pour commander ce livre :
- Les trois petits pourceaux, Coline Promeyrat et Joëlle Jolivet, Didier Jeunesse, 20 pages, 11 euros, ISBN : 2278301055 - Amazon.fr - Fnac.com

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La chasse à l'ours et à la vache

La magie : entre le possible et l'incroyable

Je ne sais pas si les deux albums dont je souhaite vous parler sont vraiment des chefs d'oeuvres, mais ils sont devenus, chez nous, des incontournables. Ce sont certainement les deux albums qu'on relit le plus et qui distillent toujours le même plaisir. Vous les trouverez peut-être naïfs et insignifiants - je le comprends. Disons qu'une relation personnelle s'est nouée entre ces livres et nous - je veux parler de mon épouse, mes filles et moi-même. Amusant de constater d'ailleurs qu'ils contiennent tout deux une chansonnette sur lesquelles nous avons inventé une musique et qui cristalise la mémoire à chaque lecture, comme quelque chose qu'on échangerait en commun et qui n'appartiendrait qu'à nous. On a essayé, notre chanson ne marche pas forcément sur les autres... Mais les histoires, elles, par contre...

Embrasse la vache ! est une espèce de fabulette naïve et simplette servie par de grands dessins accessibles, lumineux et colorés. Les pleines pages franches et douces de Will Hillenbrand se calent à cette histoire tendre et un peu désuette, et en dégagent une grande harmonie.

L'histoire assez convenue, est celle d'une petite fille obstinée qui veut bien s'essayer à la magie que recèle une vache, mais sans en payer le prix, par pur a-priori. Comme tant d'autres, elle finira, poussée par sa mère, ses innombrables frères et soeurs et sa curiosité, par reconnaître son tort. Pourtant, ce n'est pas la morale de l'histoire qui est séduisante ici, mais peut-être plus cette fausse magie qui l'entoure. Les enfants, confrontés à cette histoire un peu rustique et naturelle, se demandent s'ils font vraiment face à quelque chose de magique. Le pas à franchir n'est pas rebutant (il faut embrasser la vache), juste un peu impressionnant. A croire que traire une vache, l'embrasser, se situe entre le possible et l'incroyable ! Le fait que cet univers ne soit plus celui de nos enfants, rend le doute possible et créé un espace où la magie peut prendre corps. La comptine agit alors comme une formule envoutante, la recette du sortilège.

La chasse à l'ours raconte l'histoire d'une famille qui a décidé de partir à la chasse à l'ours, inconsciente des risques. Elle traverse des épreuves de plus en plus difficiles, comme autant d'obstacles que la nature leur donne à franchir, sans se décourager dans l'adversité, mais continuant à chanter la ritournelle qui les encourage. Jusqu'à ce qu'ils rencontrent vraiment l'ours et que leur vantardise et leur insousiance tombe comme leurs illustions, le temps d'une course folle pour rentrer jusque chez eux, jusque sous la couette chaude du lit, bien protégé des dangers de l'ours. La poésie très décidée de Michael Rosen, alliée aux crayonnés aquarellés d'Helen Oxenbury créé une harmonie assez douce, servit par un sens de la narration, textuel et graphique, qui donne un véritable rythme à cet album. Une alternance de pages qui donne à l'ensemble un dynamisme qui fonde certainement le succès - mérité - de ce titre.

Pour commander ces livres :
- La chasse à l'ours, de Michael Rosen et Helen Oxenbury, L'Ecole des loisirs, Kaléidoscope, 40 pages, 13,60 euros, ISBN : 978-2877671996 - Amazon.fr - Fnac.com. Existe aussi au format poche, 5,5 euros, ISBN : 2211051014 - Fnac.com. Et en version animée, 19 euros, ISBN : 2877675009 - Fnac.com.
  
- Embrasse la vache ! de Phyllis Root (texte) et Will Hillenbrand (dessins), Ecole des loisirs, Pastel, 2001, 28 p., 12 euros, ISBN : 978-2211060455. - Amazon.fr - Fnac.com

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Sac à puces

Cartes à gratter

Difficile de trouver des jeux de cartes pour les plus petits. Même les jeux de 7 familles ne sont pas toujours adaptés à leur niveau de compréhension, quand ils ne leurs demandent pas de savoir parfaitement lire. Et cela, même s'ils sont décorés de leurs héros préférés : ils sont le plus souvent injouables. 

Les jeux simples, faciles, aux parties alertes et rapides fonctionnent bien avec les plus petits. Ceux où la chance joue un grand rôle, car dès que vous introduisez de la statégie ou de la difficulté, vous diminuez la capacité des plus petits à jouer - voir l'avis sur Tric-Trac. Dans ce genre là, Sakapuss, édité par Djeco, rempli pleinement sa fonction. Simple (le principe de jeu est celui du Mistigri, il faut faire une famille de 4 chats de la même couleur), très rapide (les manches durent quelques petites minutes), drôles (à jouer à plusieurs, de 3 à 5 joueurs - attention, ça ne marche pas à deux), les rebondissements y sont nombreux (succession de plusieurs petites parties) et le jeu est très modulable (on peut arrêter dès qu'ils sont lassés, ce qui arrive toujours brutalement). 

Sakapuss est donc un jeu parfaitement efficace qu'on pourra même essayer avec succès auprès des petits (dès 3 ans). 

Pour commander  jeu :
- Sakapuss, Djeco, réalisé par Rémi Saillard. Amazon.fr 
 

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Graine de génie

Profondeurs de la caricature

Tiens, voilà un album drôle et rafraichissant, qui s'inscrit dans la lignée, tant par l'humour que le trait, de l'exellentissime Quentin Blake.

Auteur et illustrateur, encore peu traduit, Simon James nous offre ici un album très amusant d'un bébé qui veut être génie avant que d'être enfant. Son style, à la Blake, proche de la caricature, avec des traits à l'encre réhaussés à l'aquarelle, sert à merveille son texte court et tonique. Une petite fable qui interroge ces parents qui veulent toujours que leur enfant soit mieux que les autres. Un livre qui ravira les enfants, toujours enchantés de voir des plus petits qu'eux faire des choses incroyables.

Profitons en pour parler donc de Zagazou, que je tiens pour la merveille de Quentin Blake (mais vue l'épaisseur et la qualité de la bibliographie, c'est chose difficile). Dans cette histoire à plusieurs niveaux de lectures, on partage la vie d'un couple qui voit arriver, comme par surprise, un bébé dans sa vie... Un bébé qui se transforme en une multitude de monstres : bébé vautour aux cris déchirants, bébé éléphant encombrant, ou même d'un bébé phacophère désobligeant. Une animalerie caustique, sous le trait de ce caricaturiste de génie, qui évoque en raccourci les différentes étapes de nos vies via les transformations physiques et psychologiques - ici spectaculaires - qui les accompagnent. Drôle, forcément.

Pour commander ces livres :
- Quentin Blake, Zagazou Poche : Folio Benjamin, Gallimard, 32 pages, 2001, ISBN : 978-2070548224, 5,5 euros. Amazon.fr - Fnac.com - Version grand format : Gallimard, 1999, ISBN : 978-2070526659, 13,11 euros. Amazon.fr - Fnac.com (pas disponible).

- Simon James, Bébé Génie, Pastel, Ecole des loisirs, 22 pages, ISBN : 978-2211078283, 13 euros. Amazon.fr - Fnac.com

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